Témoignage de Marythé Mathey



J'ai bien connu Ain Franin, nous venions de Sidi-bel-abbès et mon père avait loué le premier cabanon en arrivant sur la place qui surplombait le petit port, c'était en 66 je crois et nous sommes partis en 68.
Kader était le gardien, et Ben notre copain que sont-ils devenus ??
Se souviennent-ils de la famille MATHEY ??
Je suis fort contente d'avoir eu une réponse concernant mon lieu de vacances, j'ai dû donner des souvenirs sur un autre site, donc je connais Aîn Franin puisque nous y passions toutes nos vacances, venant de Sidi -Bel-Abbès où mon père militaire avait été muté au titre de la coopération technique.
Je n'ai donc pas connu l'Algérie avant fin 64 et jusqu'en août 68.
D'Aîn Franin je me souviens très bien du petit port où nous faisions de la pêche sous-marine, du cabanon des CHAFANEL, et de celui des MORENO, FERNANDEZ/CAVAGNOL, également de la grande falaise qu'un jour nous avions escaladée avec ma soeur Maryse, et qui aboutissait au-dessus de la crique dans une forêt de pins.
Ce jour là nous avions pris de gros risques
Notre maison était celle juste en bas de la côte à droite en arrivant sur la place entourée de cabanons.
Une année une équipe de scouts algériens étaient venus camper dans le coin et nous participions sur leur invitation à des soirées autour du feu de camp, c'était formidable.


66 avec les scouts


Des souvenirs d'Aîn Franin j'en aurai à la pelle et je conserve une dernière image dans ma tête, celle du départ, lorsque le Ville d'Oran est passé au large, très au large du petit port que nous apercevions,


Petit Port


les yeux brouillés de larmes difficiles à contenir. Nous ne quittions pas notre pays, mais un pays que nous avons adoré et dans lequel nous savions ne jamais revenir. et c'est la raison pour laquelle je comprends parfaitement ce que vous avez du ressentir vous tous qui y êtes nés, et l'arrachement que cela a dû être pour vous.



Amitiés de Marythé



Marythé MATHEY, 19 Juin 2006



Merveilleuse Aïn Franin :



Ouf les vacances ! Papa charge la Peugeot 403 grise. Il y en a jusque sur la galerie, nous montons, mes 3 jeunes sœurs et moi et en tout dernier lieu, nous prenons sur nos genoux mon lapin qui fait partie du voyage, le hamster de l'une de mes sœurs et Kiki notre chienne ratier.


Août 68


Et en route pour Aïn Franin, route sur laquelle nous allons chanter à tue tête, accompagnées allègrement par les parents ! l'idée de retrouver notre petit port nous rend tous euphoriques, et nous quittons Sidi-Bel-Abbès pour au moins 2 mois. La ville est étouffante il nous faut fermer portes et fenêtres pour éviter le vent de sable et la chaleur de pénétrer dans l'appartement.
Au bout d'environ 1h 30 ou 2 heures car papa roule très lentement nous arrivons enfin à Aïn Franin, au panneau nous tournons sur notre gauche, nous descendons la toute petite route, toujours en chantant "bonjour Aïn Franin bonjour Aïn Franin bonjour, nous v'la Aïn Franin nous v'la Aïn franin nous v'la !!".


Cap Roux


En bas nous arrivons sur l'esplanade, et la maison que nous louons est là, la première à droite à l'entrée de l'esplanade, avec ses 2 gros arbres devant.


Esplanade


Papa pénètre dans la cour, et nous jaillissons de la voiture. Il faut aider à décharger, et cela nous barbe, notre première intention étant de descendre bien vite en bas, sur le petit port.
L'endroit est désert, les cabanons abandonnés, nous sommes en 66 !
Autour de l'esplanade rien ne bouge. Sauf nous !
Nous nous pressons d'aider nos parents, il faut encore pomper l'eau afin d'alimenter le circuit d'eau que nous utilisons uniquement pour les besoins ménagers, la fourniture en eau potable étant assurée par une source plus haut.
Nos corvées accomplies nous pouvons enfin descendre au port. Juste à gauche, il y a le cabanon de nos copains, Bernard et François CAVAGNOL. Ce cabanon en fait est loué par leur beau-père José FERNANDEZ et sa compagne Liliane aujourd'hui décédée.


Partie de pêche


François repeint son bateau en bleu ciel, et Bernard revient de la pêche sous-marine. Il est allé taquiner un gros mérou, en évitant la murène qui rôde dans le coin ! il a ramené 2 beaux poulpes qu'il nous donne et que maman nous cuisinera à la tomate ce soir.


Maman et ma petite soeur


Demain nous irons accueillir ma cousine Nicole qui arrive d'Angoulême pour passer un mois avec nous.
Vers 20 h nous remontons et ensuite au lit tout le monde ! avec ma sœur.


Ma soeur


Alors âgée de 15 ans (j'en ai 19 ) nous avons bien envie de redescendre au petit port discuter avec nos copains en fumant quelques cigarettes Ilhem (à la menthe). Mais sur l'esplanade, il y a du remue ménage, dans l'un des cabanons une réunion a lieu, des hommes sont là, algériens, et mon père n'est pas rassuré alors interdiction de mettre le nez dehors ! la rage s'empare de nous ! nous décidons malgré l'interdiction, d'aller rejoindre nos copains au port ! nous installons des vêtements dans nos lits, en forme de corps sous les couvertures, et ni vu ni connu nous enjambons la fenêtre de la petite chambre donnant sur la cour à l'avant de la maison et youppee à nous la soirée ! nous avons notre transistor avec nous et nous écoutons EUROPE 1 !!! vers minuit, nous remontons et nous nous couchons bien sagement.
Une autre fois papa nous surprendra à califourchon sur la fenêtre ! nous avons fait semblant de chercher quelque chose tombé par la fenêtre et ce soir là nous n'avons pas pu descendre.
AH ! les soirées clair de lune au petit port ! d'autres copains viennent nous rejoindre, je me souviens d'un certain JO qui devait demeurer à Oran qui avait une vingtaine d'années, également BEN dont la grand mère ou le grand père habitaient plus haut sur la route, et parfois nos amis de Sidi-Bel-Abbès viennent également.


Yoyo, Mimi, Benaïssa


La journée nous allons nager au large, après le gros rocher jusqu'à distinguer le petit port très loin et nous revenons de même. Mais ce genre d'exercice ne peut se faire que par temps très calme bien sûr !
Ma cousine ne sait pas nager, elle a même assez peur de l'eau et elle nous attend assise sur les quais.
Un jour revenant de la pêche sous-marine, mon frère venu en permission, passe derrière elle avec un poulpe au bout de son harpon et laisse la bête poser ses tentacules sur le dos de ma cousine. Elle pousse un grand hurlement et saute dans l'eau sans demander son reste. !! je ne l'ai jamais vue sauter à l'eau si vite et nous sommes tous pliés de rire !! pas elle !!
Un autre jour, nous décidons avec ma sœur d'escalader la falaise à gauche du petit port, pour rejoindre la forêt au dessus. A mi-chemin nous avons regrettons notre décision car à cet endroit la roche est très friable et comble de malchance, papa nous surprend accrochées à cette falaise, nous sommes déjà à bonne hauteur. Il nous a crié de redescendre immédiatement mais nous refusons d'obéir sachant qu'en bas nous aurons droit à une bonne " remontée de bretelles !"Alors nous continuons,et arrivons là-haut dans la forêt, mortes de peur car souvent nous avons glissé et risqué de nous écraser en bas nous cassant bras ou jambes ou pire ! le soir au repas, nous ne sommes pas fières !!
Encore une autre fois, Bernard nous conduit de l'autre côté à droite vers des grottes pleines de chauve-souris.


Grotte aux chauve-souris


Plus haut il y a une bâtisse toute en longueur, très impressionnante de loin tournée vers la mer, avec une terrasse tout autour et pleine d'ouvertures, qui devait être un restaurant ou quelque chose de ce genre.


Kader


Et les journées méchoui ! Kader, le gardien vient nous cuire le mouton qui avait un tout autre goût que celui que nous mangeons actuellement !
Et les parties de volley sur le terrain à gauche de la descente vers le port ! toujours avec le transistor à tue-tête, nous écoutons en même temps salut les copains !
Parfois le soir, quand nous arrivons à nous échapper, nous faisons des parties de carte sur la véranda du cabanon où sont nos copains Bernard et François, ensuite nous sautons tous à l'eau.


Juillet 1968


De l'autre côté des quais, à droite il y a le cabanon des Chaffanel dont un des fils vient quelque fois mais il ne se joint pas à nous et je me suis laissée dire que peu après notre départ d'Algérie ce fils Chaffanel s'est noyé en chassant le mérou. Vrai ou faux , nous n'avons jamais eu confirmation.
Voilà c'était Aïn Franin entre 65 et 68, avant 62 ce devait un coin très animé, très vivant, je n'ai pas connu cette époque glorieuse mais j'en ai quand même un souvenir merveilleux même si j'ai "zappé" certaines choses.
Dernièrement j'ai appris que la maison que nous occupions appartenait à la famille SALA, elle était en excellent état, il n'en était pas de même de certains cabanons de l'endroit.
Je trouvais ce coin très beau malgré tout, c'était ma jeunesse je projette dans un avenir proche de m'y rendre, il paraît que le petit port a été transformé en station balnéaire, je voudrais en avoir confirmation même si cela doit m'arracher des larmes de regret, elles ne seront jamais aussi amères que ce 20 août 68, jour où nous avons quitté l'Algérie son ciel, sa mer, ses odeurs.



Ce jour là il nous a fallu, nous aussi, tourner la page.



Marythé MATHEY, 19 Juillet 2006