Témoignage de Adrienne Duhan, épouse Ramolet



Chère amie,


Je n'ai qu'une dizaine d'années de souvenirs d'Aïn-Franin.
De décembre 1940 à 1951.


Commençons par le 8 décembre 1942 :

Aïn-Franin était isolé par manque d'électricité et de téléphone. Mes parents et moi n'étions donc pas au courant que les Américains avaient débarqués sur nos côtes et au Maroc. Dans la matinée du 8 nous avons vu venant de la mer, assez bas et droit sur nous, un avion de chasse qui est allé se poser dans le champ face au bar. Madame STORTO, de nationalité américaine et actrice de cinéma aux U.S.A., a aussitôt accompagné mon père vers le pilote qui a déclaré être malade et s'être posé pour cette raison.
Un officier français en retraite l'a emmené en petite voiture (voiture attelée d'un cheval " temps de guerre : essence rare) à Oran pour le remettre aux autorités.
C'est Madame STORTO qui nous a appris le débarquement américain. Nous avons passé trois jours angoissants, suivant des yeux les combats navals car les navires de guerre de MERS EL KEBIR voulaient prendre la haute mer, mais les américains ne les laissaient pas passer, tout en leur faisant comprendre qu'ils ne voulaient pas les couler. Ils tiraient en encadrant les bateaux ce qui faisait de grandes gerbes d'eau à l'avant et à l'arrière. Deux bateaux qui ont insistés à vouloir passer à la pointe de l'aiguille ont été touchés et ont du se réfugier à KRISTEL. Nous avons vu les marins passer à pied à Aïn-Franin pour regagner ORAN.
Quant aux civils, ils affluaient à Aïn-Franin, fuyant la ville par familles entières, par divers moyens de locomotions. Aïn-Franin a connu là un moment de désarroi, puis n'a plus retrouvé son calme jusqu'à presque la fin de la guerre car la station était envahie par les soldats, français et américains.
Dans le grand champ à droite, et derrière la montagne, il y avait des batteries de D.C.A. alliées, ce qui nous mettait sous les tirs, en particulier la nuit, quand l'ennemi venait bombarder ORAN., Certes les faisceaux lumineux dans le ciel et les balles traçantes offraient un spectacle ! mais combien dangereux… Autour du bassin, sous les grands arbres, il y a eu l'infirmerie du 68 ème d'artillerie qui était parqué à ASSI-BEN-OKBA.
C'est comme cela que j'ai connu celui qui a été mon mari.

Monsieur et Madame Ramolet


Une anecdote : un groupe de ces soldats français venus en camions pour se baigner à Aïn-Franin avaient plongés du grand rocher du petit port quand ils ont vu arriver des jeunes filles… Ils ne pouvaient plus sortir de l'eau car ils avaient plongés tout nus… C'est un ami de mon mari qui me l'a raconté justement en parlant d'Aïn-Franin.

Madame Ramolet et sa maman


Brièvement, d'autres moments forts qui touchent Aïn-Franin :
En 1944 par deux fois le dimanche dans la matinée, un aumônier est venu dire la messe sur l'esplanade devant la maison forestière, face à la mer. Cela a été profondément touchant.
C'était peut être en 1945 ? .. Une petite fille âgée de 3 ans environ, s'est noyée dans le bassin sous les grands arbres. Elle était la fille unique de notre jardinier venu du Maroc. Nous les aimions bien.
A la plage des eaux chaudes il y a eu aussi une noyade : un garçon d'environ 18 ans, alors qu'il se baignait avec un groupe venu passer le dimanche à Aïn-Franin. Le corps est resté introuvable pendant 8 jours, et est ressorti exactement au même endroit qu'il y était entré. Son père était venu tous les jours d'Oran pour le rechercher, faisant toute la côte jusqu'à KRISTEL.
Notre bureau de vote était à ASSI BEN OKBA et notre courrier transitait par ARCOLE ; Pour l'administration le poste forestier s'appelle AÏN-FERANI, il y a eu une erreur sur la plaque, le drapeau à l'entrée est celui de la J.O.C. en 1942.

Monsieur Ramolet


Madame Ramolet


La maison à droite est celle de Monsieur MAGE, à gauche celle de l'HABIB et sa nombreuse famille.

Aïn-Franin, le hameau


Le serpent que ma belle-mère tient par la queue, nombreux à cet endroit, est une vipère d'Arzew à la blessure mortelle. Il ne reste qu'une heure de vie après avoir été mordu par cette vipère si l'on n'est pas soigné à temps. Sur la photo, ma mère à droite, à gauche moi à côté de mon beau-père qui a tué la vipère d'un coup de carabine.

Vipère d'Arzew


Pour moi cette montagne, c'est entre autre, le souvenir d'une tyrolienne chantée parfois le dimanche par Monsieur MAS lorsqu'il partait pour une promenade, c'était aussi inattendu qu'enchanteur.


Je vous charge de tous mes bons souvenirs pour tous les anciens de la Mine que je n'oublie pas.
Vous demanderez à Monsieur LAFARGUE s'il boude toujours la lecture des journaux. Il disait à mon père que lorsque l'on avait fini de quitter les mensonges, il ne restait même plus le papier.
Un souvenir de votre oncle Monsieur MUGNIER qui m'avait offert un vélo: un dimanche il est venu nous dire qu'il avait dormi avec un scorpion au fond de son lit, il l'a vu le matin en faisant son lit.
Mes parents les appréciaient beaucoup et aimaient les voir arriver pour une visite.



Adrienne DUHAN, épouse RAMOLET, Mars 2003.