Témoignage de Raymond Quessada

AÎN - FRANIN



Lors de mon séjour en Corse, la première quinzaine de septembre 2011, après avoir débarqué à Bastia, nous avons pris la route en direction d’Ile Rousse.

En cours de route nous nous sommes arrêtés dans un endroit panoramique, sur ce que je vais appeler la « corniche » pour prendre des photos de la côte et la mer, et en voyant la mer la boîte aux souvenirs s’est ouverte.

Je me revoyais à Aïn-Franin. Mêmes couleurs, même rochers mais pas les mêmes oursins, car moi je pensais aux oursins ramassés sur les rochers d’AÏN-FRANIN.

Que de souvenirs.

J’étais encore gamin, ce devait être dans les années 1954 et 1955. Mon père m'avait fait cadeau d’un fusil harpon, avec palmes, masque et tuba.

Je suis natif de Mers-El-Kébir, mais à Kébir à part le port de pêche, le port de guerre et la plage qui a disparue pour agrandir la rade….et oui il n’y avait pas d’oursins, puisqu’il n’y avait pas de rochers.

C’était à l’époque de la territoriale et les membres de la section, dont faisait partie mon père, avaient décrété qu’à partir de la fin avril, ils iraient casser la croûte ensemble avec des oursins.

De vraies expéditions. Un des membres de la section était transporteur et mettait à disposition de la section un camion benne « Berliet » et tout le monde dans la benne…bonjour la sécurité routière, les seules ceintures que nous avions, étaient celles qui tenaient nos pantalons.

J’accompagnais mon père tous les dimanches, fier avec mon masque et tuba, alors que tout le monde avait encore la petite caisse avec la vitre et le crochet pour le ramassage des oursins. (Quelques temps après mon père a également adopté le masque et le tuba).

Un dimanche, j’ai été privilégié pour le transport.
En effet, le chef de section (toujours vivant et très connu auprès d’associations à Marseille) possédait une Peugeot 202 et m’avait proposé d’aller avec lui.

Sans le savoir j’allais connaître un épisode de « l’Agence Tous Risques » qui n’existait pas encore.

Après avoir dépassé Canastel, nous voilà sur la route d’Aïn-Franin, au début de la descente.
Vous vous rappelez certainement la route : à droite la montagne et à gauche un petit parapet et plus bas la mer.
A peine avions nous amorcés la descente que la goupille qui fixait le levier de vitesses s’est cassée, plus moyen de changer de vitesse et impossible de réparer juste le frein à pied pour essayer de ralentir la descente.
« DIOS MIO QUE SOUSTO » !!!Je crois que nous étions tous en train de prier St Michel, le St patron de Kébir.

Dans la voiture quelqu’un avait une épingle de nourrice pour enlever les épines d’oursins et éventuellement réparer les leviers de vitesses.
C’était un dépannage de fortune mais qui nous a bien servi.

Après le ramassage ou la cueillette des oursins, le moment divin !!
Chacun avait sa corbeille dans l’eau, entre les jambes, le morceau de pain sous le bras et vas-y les « repiscos » dans le pain, qui servaient de mouillettes pour déguster ces brins orangés qui sentaient bon.
Il y avait aussi la bouteille de vin qui était au frais dans l’eau.
Inutile de vous dire qu’après de tels casse-croûte certains devaient sauter le repas de midi.

Et alors mon épouse m’a parlé et je suis retourné en Balagne.
Je venais de faire un rêve que j’avais vécu en étant tout éveillé.

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Raymond Quessada.



Raymond QUESSADA, 22 Décembre 2011