Témoignage de Jean-Marie Sala



Étés de rêve

ou

Rêve d'été


Une mer bleue, scintillant des mille reflets d'un soleil resplendissant sur un ciel sans nuage. Une côte ciselée de rochers, parfois enlacés par l'écume laissée derrière lui par le reflux des vagues. Le calme exquis des grands matins, la chaleur torride des mi journées et la fraîcheur de la brise marine en fin d'après-midi. Heureuses réalités de vacances estivales écoulées au fil de jours égrenés à une douzaine de kilomètres à l'est d'Oran, dans et autour d'une petite maison située au pied de cette montagne recouverte de pins et d'où la vue embrassait toute la baie.
Pour les besoins domestiques, eau courante à partir de la citerne recevant… la pluie recueillie sur le toit; eau potable disponible… à la source toujours fraîche, coulant à l'ombre des eucalyptus, à une dizaine de minutes de marche. Et le soir, souper éclairé par la lampe au gaz butane, suivi de veillées sous un ciel étoilé, infini offert à la méditation, dans l'odeur suave des galants de nuit, au chant des grillons, entrecoupé de temps à autre par l'appel rocailleux de quelque crapaud, en vadrouille autour des bassins d'irrigation des cultures maraîchères voisines. Parfois aussi, longues veillées en groupe sur les quais du bord de mer, dans son clapotis lancinant. Et très souvent, beaucoup plus tard au milieu de la nuit, réveil subit aux hurlements d'une horde de chacals descendus de la montagne et rodant à proximité des habitations.
Souvenir de paysages, de sensations et de senteurs d'étés, d'un bonheur tissé d'instants fugitifs, berceau d'activités fort simples, en particulier : randonnées dans les sentiers de cette montagne familière, sous les pins odoriférants, sorties à bicyclette, baignades entre les rochers, très souvent motivées par le ramassage d'oursins, hors-d'œuvre préféré du déjeuner. Et presque toujours, de loin comme de près, le murmure des vagues, comme invitation à découvrir de nouvelles profondeurs, autrement invisibles pour les yeux.
C'était Aïn-Franin… enfoui sous la masse des sédiments accumulés durant plus de quarante ans; fixé aussi sur quelques vieilles photographies sommairement classées et conservées au fond d'une vieille malle; volontairement refoulé loin dans la mémoire, afin que les souvenirs qu'aurait pu refléter ce rétroviseur de la vie ne viennent pas en perturber l'inlassable progression.
Jusqu'au jour de juin 2006 où, cédant à la tentation, j'entrai ce nom sur Internet, au cas où…, pour voir si…, et reçoive en pleine face une quantité inattendue, et inconsciemment espérée, de photographies et de textes, nombreux, trop nombreux en fait pour être lus sur le champ. J'y suis revenu le huit juillet 2006, consacrant un peu plus d'attention aux sites de Jocelyne Estève, puis de Monique Vicedo-Bertier, véritables chefs-d'œuvre - mais tant d'autres l'ont déjà si justement souligné… - où je découvris qu'une certaine Marythé Mathey recherchait des informations sur une maison, qu'avec sa famille elle avait occasionnellement occupée, de 1966 à 1968 : celle de mon enfance et de mon adolescence!
Qui donc a dit que la mémoire est une faculté qui oublie? Malgré la meilleure - ou la moins avouable - des volontés, elle ne peut tout oublier. Bien des souvenirs sont d'un coup remontés, accompagnés d'une certaine humidité, celle qui arrive parfois à troubler la vue, lorsque devient trop intense la pression ressentie par l'âme. Voici résumée l'histoire de cette maison, illustrée de quelques photographies. Plusieurs autres suivront, flottant sur cette résurgence de souvenirs, à ajouter à ceux, déjà si nombreux, partagés par plusieurs. S'enchaîneront donc dans l'ordre :